
40 ans de recherche sur le trauma avec Bessel van der Kolk
Depuis plus de 40 ans, Bessel van der Kolk travaille sur le traumatisme psychique, notamment en raison de son enfance marquée par la Seconde Guerre mondiale. À son vécu personnel se mêlent l’art, la littérature et la science comme moteurs de son engagement dans l’étude du trauma.
Découvrez ci-dessous un extrait de sa conférence “Le potentiel thérapeutique des psychédéliques tels que la MDMA dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique et de la dissociation” donnée lors du Sommet Trauma, Attach(e)ment & Resilience 2024 organisé par Quantum Way.
Le corps n’oublie rien : ce que le trauma fait au cerveau
Bessel van der Kolk est un clinicien, chercheur et enseignant pionnier dans le domaine du stress post-traumatique. Fondateur de la Trauma Research Foundation à Boston, il est l’auteur du best-seller Le corps n’oublie rien : le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme (vendu à plus de six millions d’exemplaires dans le monde), livre qui a transformé notre compréhension du stress post traumatique, révélant comment il réorganise littéralement le câblage du cerveau.
Pierre Janet a été le premier à décrire le traumatisme comme une expérience non intégrée, bloquant la maturation du cerveau et accaparant toute l’énergie de l’individu qui en souffre.
Pour Bessel van der Kolk, le trauma ne se résume pas à un simple événement malheureux, mais à une expérience qui laisse la personne dans un état de confusion et de terreur, comme figée dans le temps. En effet, le cerveau ne parvient pas à transformer le traumatisme en un souvenir classique : il reste présent dans le corps et l’esprit, donnant l’impression que l’événement se reproduit sans cesse.
Lors d’un flashback, les régions du cerveau responsables du langage (comme l’aire de Broca) s’éteignent, tandis que l’amygdale, le système d’alarme, s’embrase. Le cerveau rationnel (cortex préfrontal) se déconnecte et l’on revit l’événement comme s’il se produisait à nouveau. Ce mécanisme explique pourquoi les personnes survivantes de traumas1 ne parviennent pas toujours à raconter leur histoire traumatique avec des mots, mais la revivent à travers des sensations, des réactions physiques et des émotions intenses.
“Le traumatisme est une expérience qui nous laisse dans un état confus, terrifié, horrifié, perdu”
Initialement, le traumatisme était étudié chez les vétérans de guerre souffrant de trouble de stress post-traumatique (TSPT ou PTSD en anglais). Mais nombreux étaient les soldats qui avaient également subi des traumas durant l’enfance, un aspect que les institutions ont alors choisi d’ignorer pour des raisons politiques.
Les études ACE (Adverse Childhood Experiences) ont mis en lumière un fait marquant : la majorité des troubles psychiques de l’adulte (anxiété, dépression, addiction) trouvent leur origine dans des traumatismes infantiles, souvent répétés et insidieux. Et malheureusement, les cas de traumas psychiques ne sont pas rares : Bessel van der Kolk évoque qu’un enfant sur quatre est maltraité et que la violence domestique touche un tiers des couples.
Le traumatisme développemental, lié aux liens d’attachement et à l’enfance, reste minoré et n’est toujours pas reconnu officiellement par la psychiatrie américaine. Le refus d’intégrer le trauma développemental dans les classifications psychiatriques (comme le DSM, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) est un problème majeur. Cela empêche la reconnaissance officielle en tant que trouble et une prise en charge et des traitements appropriés. Bessel van der Kolk prône alors la nécessité d’une réforme portée par les cliniciens eux-mêmes pour mieux prendre en compte la réalité des traumatismes développementaux.
Le trauma se soigne. Mais pas uniquement par la parole. C’est le corps, blessé, qui détient aussi les clés de la guérison. IFS, yoga polyvagal, psychothérapie sensorimotrice, EMDR, Somatic Experiencing ou encore neurofeedback : autant d’approches efficaces pour rétablir la sécurité intérieure. Des méthodes qui aident à réactiver les circuits de régulation, restaurer la confiance relationnelle et ancrer la personne dans le présent. Enfin, sortons des guerres de chapelle : aucune méthode ne suffit à elle seule.
Les traumatismes psychiques modifient profondément le développement du cerveau, du corps et de l’esprit, en affectant notamment notre rapport au plaisir, à l’engagement, au contrôle et à la confiance. C’est pourquoi leur traitement nécessite une approche multidimensionnelle. Pour se reconstruire après un traumatisme, il ne suffit pas d’en parler : il faut aussi apprendre à réguler ses émotions, à faire confiance aux autres, à apprivoiser ses sensations corporelles et à se reconnecter pleinement au moment présent.
Retrouvez Bessel van der Kolk les 16 et 17 septembre prochains pour un événement unique en France
Durant deux jours intensifs, alliant théorie, pratique et neurosciences, vous plongerez au cœur des mécanismes du trauma et découvrirez des moyens concrets d’en favoriser la guérison.
(1) Aux États-Unis l’expression “Trauma survivor” (survivant de traumatisme) a été adoptée par les professionnels de la Santé Mentale pour rendre compte des difficultés, pour les personnes ayant subi des traumatismes, de vivre leur vie. Cela met en lumière ce qu’on appelle communément le “mode survie” dans lequel se reconnaissent toutes les personnes ayant fait face à des événements traumatiques au cours de leur vie.