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Le rôle de la Théorie Polyvagale à l’école et en entreprise

 

« Un enfant qui est en mode survie ne peut pas apprendre correctement. »

 

Voici le dernier article de cette série consacré à la Théorie Polyvagale (TPV) au quotidien. Si nous savons maintenant comment s’approprier la TPV ainsi que dans la relation à l’autre,  abordons un dernier point : ce qu’apporte la Théorie Polyvagale dans le milieu scolaire et dans le monde professionnel.

 

L’école, les enfants et le mode survie

Lors de notre dernier sommet Trauma, Attach(e)ment & Résilience, nous avons reçu la pédagogue américaine Niki Elliott. L’une de ses missions est de former les professeurs et instituteurs à la TPV pour qu’ils soient « polyvagal informés ».

Si nous écoutions les enfants à travers le prisme du système nerveux autonome (SNA), nous pourrions leur créer de meilleures conditions d’apprentissage. Car nous ne pouvons pas apprendre quand nous nous trouvons dans un état de survie.

Un enfant qui est souvent dans un état sympathique ou dans un état dorsal ne pourra pas s’ouvrir pleinement à l’apprentissage parce que tout est mobilisé en lui pour sa survie. Dans la réalité il n’y a, le plus souvent, pas de danger extérieur visible : aucun gros ours menaçant ne circule dans la salle de classe… et l’instituteur ne voit pas forcément le danger.

Pourtant, un danger flagrant n’est pas nécessaire pour basculer en « mode survie ». Vous vous demandez quelles situations peuvent activer ce mode chez un enfant ? Voici quelques exemples :

  • À la maison tout le monde crie tout le temps ;
  • Il n’a pas eu à manger le matin ;
  • Il se fait harceler dans la cour de l’école ;
  • Son chat est mort hier ou son chien est malade ;
  • Un de ses parents vit une situation de stress au travail ou est sans emploi…

On peut évidemment balayer toute la palette de ce qui nous insécurise et la transposer au niveau des enfants. Des situations insécurisantes, il en existe des milliers.

Un enfant insécurisé évolue avec un système nerveux autonome qui ne se sent pas en sécurité. En conséquence, son SNA sera dysrégulé et coloré par du sympathique ou du dorsal et il n’aura pas un accès total à ses capacités cognitives.

C’est pourquoi un enfant qui est en mode survie ne peut pas apprendre correctement.

Réussir à repérer cette insécurité chez les enfants pourrait aider au niveau des apprentissages et l’on aurait sans doute moins de décrochages scolaires. Et si cela est valable pour les tout-petits, ça l’est également pour les élèves et étudiants plus âgés.

Les enseignants peuvent eux aussi être une source de sécurité comme d’insécurité. C’est pourquoi se poser les bonnes questions est important : « Moi, en tant qu’enseignant·e, lorsque je vais à la rencontre des étudiants ou des élèves, qu’est-ce que je véhicule ? À qui est-ce que je véhicule la sécurité et à qui de l’insécurité ? ».

Par exemple, peut-être que moi, en tant que femme blanche, cisgenre, hétéro… je constitue une forme de danger pour certaines personnes, parce que je représente la classe dominante, la classe qui a des privilèges.

En conséquence, certains élèves vont ressentir quelque chose de très agressif pour eux, émanant de moi. Ils ne seront pas dans une posture apprenante (« Je vais apprendre de cette personne »), mais dans un état défensif et donc de survie (« Comment est-ce que je peux me défendre face à cette personne ? »). Dans ce cas, il leur sera impossible d’accéder à l’ouverture nécessaire pour apprendre, car toute leur énergie psychique sera consacrée à la survie.

 

Ramener de la sécurité dans le monde du travail

Cette problématique du mode survie qui nous empêche d’être dans les conditions adéquates pour apprendre, nous pouvons aussi l’étendre au monde de l’entreprise.

Au même titre que le professeur, en tant que patron (ou manager) il est intéressant de se poser les bonnes questions. Par exemple, avant de démarrer une réunion prévue avec les salariés, on peut essayer de lire l’état de leur système nerveux : « Où en sont-ils ? Est-ce que je peux leur parler maintenant ou ce n’est pas le bon moment ? ».

D’ailleurs, il y a de plus en plus d’entreprises qui introduisent la Mindfulness ou Pleine Conscience, ou qui préconisent de démarrer une réunion par un temps de respiration ou par un tour de table sur l’état émotionnel de chacun et j’espère que ces pratiques vont se généraliser.

Connaître la Théorie Polyvagale permet de comprendre quel mode est activé chez les collaborateurs : danger ou sécurité ? Et accepter que parfois, avant de démarrer la réunion, il faut commencer par « parler de la pluie et du beau temps » : certains diront que c’est inutile, que cela ne sert à rien… Pourtant, cela amène de la sécurité et donc des collaborateurs plus disponibles.

Beaucoup de patrons ou de managers peuvent faire peur ou paraître inaccessibles car ils sont généralement dans un état sympathique, pas nécessairement à cause de ou envers leurs employés, mais parce qu’ils sont en train de se mobiliser pour obtenir des contrats, de lever des fonds, de faire tourner l’entreprise, etc.

Physiquement on peut reconnaître certains signes comme les mâchoires serrées, une démarche très énergique, etc. Cette « position sympathique » ne signifie pas nécessairement une dysrégulation : la mobilisation sympathique est nécessaire quand ils doivent gérer l’entreprise. Mais s’ils pouvaient prendre conscience de cela, ce serait certainement aidant pour les employés.

 

Un mode préféré de réaction face au danger

Le système nerveux autonome réagit de façon très binaire : dangereux ou pas dangereux, safe ou unsafe. Pour lui, un danger, c’est un danger, peu importe son type. Une voix qui a un certain timbre, une lumière, une odeur, une forme… Tout ce qui rentre par nos sens peut être signal de danger ou de sécurité.

En général nous possédons tous un mode de protection préféré face au danger (chacun possède un état dysrégulé par défaut) : certaines personnes sont plus dans le sympathique et d’autres sont plutôt dans le dorsal.

Souvent lorsque l’on est dans le sympathique, on ne supporte pas les gens qui se régulent dans le dorsal et inversement, quand on vient du dorsal, on ne supporte pas les gens qui se régulent dans le sympathique.

Donc si vous faites face à quelqu’un qui se régule dans le sympathique (comme certains patrons) et que vous êtes plutôt dans un mode dorsal, cela va être insupportable à supporter pour votre système nerveux.

J’imagine que si la « culture polyvagale » se répandait au sein des entreprises, le monde du travail changerait radicalement avec cette conscience que la manière dont chacun se régule peut-être vécue comme une agression pour l’autre ou comme sécure. Pour schématiser :

  • Dans le mode sympathique, on ne supporterait pas les personnes qui se taisent et qui ne réagissent pas et on aurait envie de les secouer.
  • Dans le mode dorsal, on ne dirait plus rien, on se tairait face à des réactions sympathiques, on ferait comme si on n’était pas là, on voudrait disparaître.

 

La neuroception et les croyances limitantes

Le concept de neuroception c’est la capacité de notre système nerveux à ressentir les clés de sécurité et d’insécurité, une perception non consciente. Ces clés (ou ces indices) peuvent venir de l’extérieur mais aussi de l’intérieur :

  • J’ai un virus dans le corps, mon système nerveux autonome va m’alerter, il va dire « danger » (c’est une information qui circule du bas du corps vers le haut, vers le système nerveux ventral, en passant par le SNA).
  • Le danger peut aussi venir de nos propres pensées, donc du haut vers le bas. Nos pensées peuvent amener aussi bien de la sécurité que de l’insécurité.

Tout cela se joue à l’intérieur. Le SNA est une véritable autoroute d’informations. Ces indices de sécurité peuvent aussi venir du fait que grâce à la neuroception, notre SNA va aussi capter l’état du SNA de l’autre et également ce qui se joue dans l’espace intermédiaire (celui de la relation) et dans l’environnement…

Une personne qui a peur de parler en public va se raconter des histoires : « Ils vont me juger, ils vont me trouver nul·le, je vais perdre mes moyens, je ne vais pas réussir à faire faire passer mes idées, personne ne va m’écouter… ».

Ces pensées, ce sont souvent ce qu’on pourrait appeler des croyances limitantes, lesquelles, sont liées à l’état de notre SNA et à l’histoire qu’on se raconte à partir de cet état. Dans un état dorsal, nous allons penser que nous n’avons pas de valeur, que nous ne sommes pas à notre place, que personne ne va nous écouter. Cela vient renforcer le danger perçu et nous enfoncer un peu plus dans une déconnexion dorsale, voire une dissociation. Au final, ce n’est pas tant les autres qui nous font peur mais plutôt ce que nous percevons et nous racontons sur les autres.

Et parfois, l’insécurité est vécue à l’extérieur. Imaginons : vous devez prendre la parole en public et juste avant de monter sur scène, vous croisez quelqu’un qui vous regarde et vous dévisage. Dans son regard, vous avez vu du jugement. Résultat ? Vous arrivez sur scène avec cette insécurité vécue à l’extérieur qui n’a pourtant rien à voir avec la prise de parole. Et là, d’un coup, vous avez peur de parler en public : parce que juste avant, quelqu’un a activé en vous un état dorsal de déconnexion.

 

Pour conclure cette série sur la Théorie Polyvagale

Pour finir je voudrais encore écrire quelques mots… J’ai beaucoup de reconnaissance pour Stephen Porges. Il a consacré 40 ou 50 années de sa vie à la recherche. Il nous transmet sans relâche son savoir et continue, encore aujourd’hui, même après avoir pris sa retraite. J’admire cet homme, parce que c’est un pur scientifique, un pur génie, mais aussi une personne d’une grande humanité. Il incarne ce qu’il prône, il est à l’écoute, il est vivant, il est régulé, c’est un homme dans le ventral.

J’ai également beaucoup de reconnaissance pour Deb Dana qui a compris la Théorie Polyvagale présentée par Stephen Porges et qui en a, comme nul autre, traduit la complexité. Les livres comme les articles de Stephen Porges ne sont pas faciles à appréhender, mais Deb Dana a su transposer cela dans un langage tout à fait compréhensible et accessible à tous.

Ancré de Deb Dana et édité aux Éditions Quantum Way, est d’ailleurs disponible sur notre site, sur Amazon, sur la Fnac et sur commande dans votre librairie préférée. Découvrez-en les 15 premières pages en cliquant ici et connectez-vous à l’énergie et la bienveillance ventrale de Deb Dana.

Je suis très heureuse de voir qu’en France de plus en plus de personnes diffusent, font connaître et aident à comprendre la TPV, notamment au travers de nombreux livres, podcasts, vidéos Youtube, etc. D’ailleurs, vous pouvez y retrouver mon interview par Évelyne Josse.

Je me permets cependant d’émettre une réserve. Il n’y a pas de magie avec la Théorie Polyvagale : « on fait comme si, on fait comme ça, et hop ! On régule son nerf vague ! ». Non… C’est un peu plus complexe que cela. Il ne s’agit pas juste de faire des exercices à la demande.

« Adopter » la TPV au quotidien c’est avant tout apprendre à se connaître et c’est installer des routines au quotidien qui nous aideront à retrouver plus rapidement un état de sécurité quand la dérégulation arrivera.

Si on cherche à « réguler » son nerf vague sans avoir réglé l’origine de la dérégulation (comme des croyances limitantes ou des traumas vécus dans l’enfance), on aura beau réguler son nerf vague et utiliser tous les outils que l’on connaît, ce ne sera pas suffisant. Il est utile de travailler avec un professionnel, de faire une thérapie, pour guérir ce qui a dérégulé notre SNA à l’origine.

 

J’ai pris énormément de plaisir à vous partager un peu de ma passion pour la TPV et j’espère que ce fut partagé et que vous aurez appris des choses, sur vous et les personnes qui vous entourent.

Avec Quantum Way, nous continuons à produire régulièrement du contenu, des programmes et des conférences avec nos experts de la Théorie Polyvagale, alors restez à l’écoute et suivez-nous également sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, YouTube) pour devenir et rester polyvagal informés 🙂

Série d’articles « La Théorie Polyvagale au quotidien » par Florence Bernard :