Un moment de silence pour George Floyd et Black Lives Matter – Lissa Rankin
Par Lissa Rankin
Le 20 avril est un jour à marquer d’une pierre blanche pour les droits civiques : l’ex-policier Derek Chauvin, filmé en train d’assassiner George Floyd, a été reconnu coupable des trois chefs d’accusation (meurtre et homicide) qui pesaient sur lui, et un agent de police a enfin été tenu responsable d’un abus de pouvoir flagrant qui a, injustement, coûté une vie. Ce verdict ne rendra pas à la famille Floyd l’être cher qu’elle a perdu. Et puis, on n’a là qu’un seul cas où la responsabilité a été reconnue – et ce seulement en raison d’une quantité accablante de preuves. Beaucoup n’ont pas cette chance. De nombreux coupables continueront de marcher en liberté. Il y aura encore de nombreuses morts. Il est encore trop tôt pour avoir trop d’espoir, mais nous pouvons – pendant une journée – respirer du souffle qui a été volé à George Floyd au moment où il criait « je ne peux plus respirer ».
Ne nous méprenons pas : ce n’est que le premier pas d’un marathon, une goutte de justice dans un océan d’injustice. Mais c’est une goutte, et une goutte peut créer des vaguelettes, et une vaguelette peut créer des vagues, et les vagues peuvent créer une mer de changement.
Chacun de nous doit s’en préoccuper. Pas d’excuses. Je sais que l’on est pris dans nos propres drames et traumatismes. On a tendance à être distraits, centré sur nous-mêmes ; on se persuade qu’on s’en préoccupera plus tard. On se met sur la défensive, et on rétorque : « Toutes les vies comptent ». Nous empirons la situation avec nos micro-agressions et notre ignorance.
Ce n’est pas satisfaisant. Nos frères et sœurs noirs, autochtones et de couleur (BIPOC, aux États-Unis) sont massacrés presque quotidiennement et il faut que cela cesse. Nous devons devenir plus forts et plus proactifs en tant qu’alliés dans une lutte pour les droits civiques qui ne cessera que lorsque tous les hommes et toutes les femmes de toutes les origines ethniques, identités de genre, orientations sexuelles et statuts socio-économiques seront traités sur un pied d’égalité.
Ne faisons pas de ce moment un nouveau « Oui, mais qu’en est-il de [insérer votre cause du jour] dans tout ça ? »
Je sais que les gens disent : « Et les flics ? Ils prennent tant de risques, et il y a toujours deux côtés à tout. » Oui. Et je conseille de lire My Grandmother’s Hands de Resmaa Menakem, une thérapeute noire spécialisée dans les traumas, afin de comprendre mieux, et avec plus de compassion, la façon dont les violences policières contre les personnes noires, autochtones et de couleur nous nuit à tous, et constitue une réaction traumatique pour nous tous.
Cela étant, ce moment est celui où les vies des Noirs doivent importer. Prenons un moment pour méditer ce verdict, et pour l’éprouver pleinement.
Ma sœur biraciale dit qu’elle ne trouve ni les mots ni la façon de célébrer cette « victoire ». Il est difficile de considérer le meurtre d’un innocent comme une victoire – de quelque manière que ce soit. Dans les rues de Minneapolis, on n’a pas vu de célébrations dansantes. On m’a dit qu’il y avait eu des larmes, du soulagement, du silence, du recueillement. La famille Floyd peut enfin pleurer, sachant au moins que le meurtrier de George sera au moins tenu pour responsable d’un acte de violence inacceptable.
Joignons-nous à ce moment de silence, de recueillement, de deuil et de résilience partagée, et faisons ce qu’il faut pour que ce verdict ne soit pas une goutte dans l’océan, mais un fleuve d’élans qui conduira à une mer de changements.
Les vies des Noirs sont importantes. Nous devons tous nous soucier de leur importance – et faire quelque chose contre cette réalité absurde.
Mais pour le moment – cessons de défendre toute forme de comportement injuste –, tenons-nous auprès de nos larmes et du deuil de toutes les personnes noires, autochtones et de couleur qui ont perdu leur vie depuis des siècles à cause du suprématisme blanc. Lorsque nous militons en vue de renverser ces horreurs, nous faisons une forme de travail spirituel. Mais en même temps, il nous faut faire plus que prier. Nous devons voter, agir, manifester de manière pacifique, faire entendre nos voix, faire des sacrifices s’il le faut, jusqu’à ce que les visions des militants pour les droits civiques, qui ont défilé depuis la Guerre de Sécession, puissent enfin voir ce « J’ai un rêve » devenu une réalité.
Que Dieu nous aide, mais ne laissons pas seulement cela à Dieu. Nous devons nous aider les uns les autres. Chacun d’entre nous. Personne ne doit être laissé pour compte.
Oh s’il vous plaît, au nom d’un amour, d’une justice, d’une égalité, d’une sécurité, d’une équité et d’une bonté attendues depuis longtemps, qu’il en soit ainsi.
Avec amour,
Lissa
Cet article est une traduction de l’article paru sur le blog de Lissa Rankin. Pour lire l’article en anglais, cliquez ici.