Thérapies & Trauma 10mn
le mercredi 27 septembre 2023

La Théorie Polyvagale au quotidien

  « Si l’on pense à ce monde dément et insensé dans lequel nous vivons actuellement, où il y a des extrêmes de tous les côtés, on peut voir que les systèmes nerveux de beaucoup de gens sont hautement dysrégulés et cela provoque des réactions et des réponses extrêmes. »   Poursuivons notre chemin à […]

 

« Si l’on pense à ce monde dément et insensé dans lequel nous vivons actuellement, où il y a des extrêmes de tous les côtés, on peut voir que les systèmes nerveux de beaucoup de gens sont hautement dysrégulés et cela provoque des réactions et des réponses extrêmes. »

 

Poursuivons notre chemin à la découverte de la Théorie Polyvagale. Si la dernière fois nous avons abordé comment s’approprier la TPV (en s’informant, en apprenant à connaître son système nerveux et à repérer son état), cette fois-ci voyons comment nous pouvons appliquer la TPV dans la relation avec l’autre.

 

Les nerfs crâniens et le système d’engagement social

Dans la relation humaine, que ce soit une relation thérapeutique ou une relation classique (amicale, amoureuse, familiale…), savoir se situer sur notre propre échelle est essentiel. Tout autant que parvenir à situer l’autre en face de nous sur son échelle. Pourquoi ? Car selon où l’on se situe, nos réactions ne seront pas les mêmes.

Prenons un exemple : si nous savons que l’autre se trouve dans un état sympathique, cela veut dire qu’il est en insécurité. Que faire à ce moment-là ? La première chose, c’est d’analyser si son insécurité nous insécurise. Dans ce cas, il faut d’abord prendre soin de soi. Peut-être même, pendant un temps, s’éloigner avant de revenir ensuite dans la relation. Il s’agit de prendre le temps nécessaire pour retrouver sa propre sécurité (revenir en Ventral) pour ensuite pouvoir aider notre partenaire / proche / patient à retrouver sa propre sécurité.

Car si nous ne sommes pas deux à être dans la sécurité du ventral, alors il n’y a pas de connexion possible, pas d’échange ni de relation envisageable.

Pour être en relation avec l’autre, il faut pouvoir mobiliser tous les nerfs crâniens qui nous permettent d’envoyer des signaux de sécurité à l’autre : que ce soient les expressions du visage, la qualité du regard, la capacité à filtrer les sons, la prosodie de la voix…

Ce sont ces nerfs qui permettent de s’engager socialement, ce que Stephen Porges appelle le « système d’engagement social ». Ces nerfs sont liés au nerf crânien X (le 10ème) qui est le nerf vague. C’est par le système d’engagement social que nous nous connectons avec l’autre, et pour engager ce système, il est nécessaire de se trouver dans la sécurité du ventral.

Dans le cas contraire, la relation sera difficile voire impossible. Le SNA de chacun sera orienté vers la survie, soit par une mobilisation sympathique soit par une immobilisation, une fermeture, un effondrement dorsal. Priorité n’est pas à la connexion mais à la protection !

En conséquence, on va envoyer à l’autre, via notamment notre système d’engagement social, des signaux de danger (déconnexion, rejet, colère, jugement…).

C’est ce qui arrive lorsque nous sommes face à quelqu’un qui ne manifeste plus d’expressions sur le visage. C’est effrayant, cela fait peur, on se dit que l’on est en train de le perdre ou qu’il est en train de nous juger… Sans expression faciale, on peut s’imaginer 10 000 choses ! Et cela nous insécurise fortement.

Quand nous nous situons dans le sympathique, nous sommes focalisés sur le danger : soit on s’éloigne du danger, soit il faut l’éloigner. Dans cette situation, nous ne sommes plus du tout dans une volonté de communiquer ou d’envoyer des signaux de sécurité à l’autre… C’est même l’inverse : en fait, nous allons plutôt envoyer des signaux de détresse ou des signaux d’agressivité.

En conclusion sur premier point, pour pouvoir connecter et communiquer avec l’autre, il faut trouver son état ventral. Ainsi, nous pouvons amener la sécurité dont la personne a besoin, en particulier si elle se trouve en sympathique ou en dorsal.

 

 

Aider l’autre à retrouver la sécurité

Laissez-moi vous parler de mon cabinet. Dans celui-ci, j’ai accroché au mur un schéma avec deux échelles de Deb Dana qui se font face. Lorsque je travaille avec un couple, chacun peut prendre conscience de là où il ou elle se situe et peut l’indiquer à l’autre :

  • Si les deux personnes sont en haut de l’échelle (dans le ventral), elles peuvent communiquer et être à l’écoute de l’expérience de chacun.
  • Au milieu de l’échelle, elles risquent de se disputer, de s’éloigner et elles ne sont pas dans la connexion mais dans la protection.
  • Et si les deux personnes sont en bas de l’échelle, chacune est de son côté, dans sa propre insécurité : la connexion est impossible.

Autre cas de figure : si l’un est en sympathique et l’autre en dorsal, il y a un risque que la première « attaque » avec son énergie. L’autre s’enfonce alors encore plus dans son dorsal car dans cet état, on ne supporte souvent pas les bruits, on ne supporte pas quand il y a trop d’énergie.

Et inversement, celui qui se situe en sympathique aura du mal à supporter une personne qui est dans la non-réaction, dans l’immobilité, car au contraire, il veut que l’autre réagisse en face. Une personne qui se situe en fermeture dorsale va renforcer l’insécurité chez l’autre et va provoquer une attaque ou une fuite sympathique.

Et le ventral dans tout cela ? Si nous sommes dans notre ventral, tout en haut de l’échelle et que l’autre est en sympathique, nous disposons alors de nombreuses ressources pour l’aider à remonter le long de l’échelle en suivant la hiérarchie Dorsal > Sympathique > Ventral.

Le ventral c’est l’endroit où nous trouvons des solutions, où nous pouvons réfléchir, où les possibilités sont nombreuses. Nous allons donc amener nos ressources pour soutenir la personne qui est dysrégulée dans son sympathique (ou dans son dorsal) afin de lui apporter de la sécurité. Et il est possible d’exprimer cela par les mots : « Je peux te prendre dans mes bras, moi je suis en sécurité, je suis un roc… Laisse-toi aller, tu peux vivre ton insécurité contre moi, car je suis en sécurité et je t’amène ma sécurité. »

Il n’y a qu’en se situant en haut de l’échelle, dans le ventral, que nous pouvons offrir cette sécurité à l’autre, qui parviendra alors, peut-être, à remonter le long de sa propre échelle. C’est enfin à ce moment-là, une fois les deux tout en haut, que la communication sera à nouveau possible.

 

Les couples, l’échelle et le frigidaire

Dans le couple, avoir conscience de l’état dans lequel on se situe, est très important. Parce que lors d’une dispute, on ne va pas pouvoir se connecter (même si c’est ce qu’on cherche). Souvent, quand on se dispute, c’est parce que l’on veut être reconnu, être vu… On veut de la connexion, mais en réalité, nous faisons exactement l’inverse puisque les deux partenaires se situent généralement dans du sympathique (ou sont à l’opposé : l’un est hyperactif, et l’autre impassible) et sont dans l’insécurité.

En sachant cela, il est important d’apprendre à dire stop et à mettre en pause. Il faut savoir arrêter un moment et s’exprimer, dans la mesure du possible : « Actuellement, je suis dans mon état sympathique et je dois me réguler. Toi, tu es dans ton dorsal (ou ton sympathique) et tu dois te réguler aussi. Quand nous serons régulés, on pourra parler de ce qui nous a activés, de ce qui a fait qu’on n’était pas d’accord ou qu’on s’est fait du mal. »

En d’autres termes, il s’agit d’apprendre à temporiser et à différer le moment. Ce n’est pas facile, mais cela s’apprend…

J’ai reçu certains couples en thérapie qui ont mis le schéma des deux échelles sur leur frigidaire. Et quand la communication entre eux est impossible, ils se posent la question : « Tiens, où est-ce que tu te situes toi ? Et où est-ce que je suis moi en ce moment sur l’échelle ? ».

Une fois encore, cela commence par soi. Si je suis dans le sympathique, je ne vais pas écouter l’autre, donc cela ne sert à rien. Je préfère ne pas rester en connexion, car c’est une connexion qui va faire du mal. Et donc je prends la responsabilité de mon état. Ce faisant, j’autorise l’autre à prendre la responsabilité de son état.

Il en va de même quand on est en colère et que l’autre rentre : on peut lui montrer l’échelle sur le frigo en disant « Voilà où je suis ». Et exprimer ce que l’on ressent : « Tu es en train de me parler, mais je ne t’entends plus. Pour des raisons qui n’ont rien à voir avec toi, je suis en mode dorsal et je ne t’entends pas. Donc stop. Pause. » Cela aide à prendre conscience de son état, à prendre un peu de temps pour soi, à respirer puis à revenir, quand c’est possible, dans la relation et dans la communication.

C’est valable pour soi et c’est valable pour l’autre, que ce soit avec les enfants, avec les amis, avec les proches ou le partenaire. Fonctionner ainsi amène beaucoup d’indulgence et de bienveillance. Si nous arrivons à voir l’autre non pas comme quelqu’un qui s’énerve facilement, mais comme quelqu’un qui est en insécurité permanente alors nous aurons beaucoup plus de compassion et de bienveillance. Il sera plus facile de sortir du jugement. La relation sera beaucoup plus sereine.

Rappelons-le, il ne s’agit pas de prendre en charge l’autre, parce que l’autre a aussi sa responsabilité quant à son propre état. Mais agir ainsi est aidant afin de ne plus l’accuser ni l’accabler (car ces actes renforcent l’état d’insécurité).

Avec la Théorie Polyvagale nous sommes donc en mesure de bien mieux comprendre l’autre ainsi que tous ces autres qui nous sont chers, sans jamais s’oublier soi-même…

 

Dans le prochain article, nous finirons sur l’utilité de la TPV à l’école et dans le monde professionnel.

Série d’articles “La Théorie Polyvagale au quotidien” par Florence Bernard.

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